david in winter

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Editeur. Ecrivain. Dilettante

samedi 22 juin 2013

Sous le joug de la police



    C 'est un temps depuis longtemps enfui, mais un temps que j'ai vécu, et un temps où je manifestais
     Et étais arrêté par les sbires du pouvoir.
     La première fois, ce fut lorsque vint à Paris, en hôte officiel, le maître du Kremlin et bourreau de la Hongrie asservie, le sieur Kroutchev; sur le passage de son cortège, je criai avec une dizaine de camarades : " Budapest ! " et " Vive la sainte Russie ! " , des mains viriles s'emparèrent de nous, nous fûmes conduits au poste, y demeurèrent une poignée d'heures, et ce fut bon enfant.
    Puis les temps devinrent plus violents, et d'une violence réelle  --  chaque nuit alors, des bombes explosaient, des meurtres étaient commis, le chef de l'Etat était menacé d'un assassinat qui eût été pour lui une glorieuse fin de chapitre, mais aussi d'être renversé par les centurions qui l'avaient remis au pouvoir, ce qui eût été une humiliation.
    Nous manifestions – enfants ! -- pour l'honneur, la justice, la fidélitè à la parole donnée, et nous visitions, contraints, divers commissariats.
    Un jour d'hiver, le mot d'ordre fut donné de se retrouver sur les Champs-Elysées en fin d'après-midi pour une démonstration d'ampleur; avec mon ami Patrice de T*** , nous décidâmes d 'aller auparavant voir un film à la séance de 15 heures mais à peine nous fûmes-nous approchés de la salle que, suspects pour être jeunes et bien habillés, nous fûmes embarqués manu militari pour être conduits au centre Beaujon, et parqués dans la vaste cour de ce lieu de police. D'autres suspects arrivèrent , à la nuit tombée nous étions deux ou trois milliers raflés avec perspicacité et discernement, touristes étrangers, provinciaux en visite, ménagères à cabas, un lot de clochards et deux ou trois centaines de camarades. Nous fûmes relâchés à l'aube, tardive en cette saison.
    Et jamais en ce temps-là je ne vis que fût menotté un interpellé , ni que fût placé quiconque en garde-à-vue,  humiliation alors réservée à de rares criminels notoires.
   Et jamais en ce temps-là personne ne fut jeté en prison pour avoir refusé de donner un peu de sang ou un bout de peau à Big Brother.
    Puis vinrent plusieurs décennies de socialisme sans entraves, et je vois aujourd'hui des images – images d'une femme arrêtée et menottée pour être sortie dans la rue voilée en dépit d'une loi scélérate, images de femmes encore, arrêtées et menottées pour avoir montré à un politicien falot leur poitrine dénudée, images de jeunes hommes arrêtés et menottés pour avoir porté un maillot subversif, femmes et hommes dont l'image disparaît quand ils tombent dans la nuit de la garde-à-vue.
   Et la masse du peuple souverain va, paisible ; elle ne condamne ni n'approuve, ni ne juge ou réflèchit ; interrogée sur la banalité de cette brutalité nouvelle, elle dirait que c'est ainsi, et que c'est ainsi que ce doit être puisque c'est ainsi, et satisfaite d'avoir démocratiquement raisonné, elle regardera encore et encore sur son téléviseur et ses téléphones les images de l'injustice, sans les vraiment voir, et lorsque , ce soir ou demain, cela s'aggravera encore, elle le verra et ne le saura point.
 

1 commentaire:

  1. On ne devrait pas tarder à s'apercevoir que le gaullisme fut un humanisme, y compris en pleine guerre d'Algérie – en tout cas par rapport à notre socialisme actuel. Même ce bon Marcellin de mon adolescence va finir par paraître longanime, c'est dire !

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