david in winter

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Editeur. Ecrivain. Dilettante

lundi 12 août 2013

Moeurs internet, mauvaises moeurs



   Je ne me prosterne pas devant le Dieu Internet.
    Ce dieu n'est qu'un outil ( nouvelle technologie serait plus exact, mais cette expression est inélégante ), ses effets sont , comme pour tout outil, en partie fastes et en partie néfastes, il produit des changements dans les activités humaines, il n'a pas encore produit une révolution de l'ampleur de celle qu'engendrérent  l'invention de la machine à vapeur et la domestication de l'électricité.
  Je sais aussi qu'internet n'est qu'un sous-produit du calcul binaire ( merci, M. Turing...) et de l'informatique, celle-ci n'est pas mon sujet.
  Internet permet aux humains de communiquer, et de communiquer instantanèment ( ou presque).
 Internet permet donc d'envoyer, à la vitesse de la lumière ou à peu près, une commande à un vendeur par correspondance, de trouver vite fait bien fait des amateurs de galipettes qui cherchent des amateurs de galipettes, de recevoir sur un écran tout fichier informatique contenant texte, image ou son, de jeter des bouteilles à la mer sous forme de message afin de retrouver un ami perdu de vue, et de diffuser immédiatement dans le vaste ether tout mot , ou suite de mots, qu'a pu formuler un cerveau humain, sans qu'en importe le sens.
   Voilà qui est fort bien.
   Voilà qui existait auparavant, sous des formes plus lentes, et dont l'élaboration demandait plus d'effort.
   Ce qui caractérise internet, ce qui le sépare des antérieurs moyens de communication entre humains, c'est sa vitesse ( instantanéité, même ), sa facilité d'utilisation et son coût proche de zéro ( mais non égal à ).
  Les humains se sont rués sur ces qualités.
   Et c'est nécessairement qu'en utilisant internet ils ont abandonné ces formes qui polissaient naguère les rapports entre êtres humains, car l'emploi de ces formes commande du temps ( un peu ), demande même parfois un peu d'attention ( qui est un effort ) , et il eût été insensé  d'utiliser le nouvel outil pour ses qualités de vitesse tout en le ralentissant par l'observation d'anciennes coutumes.
  Il est donc tout-à-fait normal , je dis même : il ne peut en être autrement, que les utilisateurs d'internet ( oui, il y a des exceptions – il y a toujours, heureusement, des exceptions ) envoient des e-mails sans assurer de l'expression de leurs sentiments distingués, tutoient des inconnus sur des forums, commentent avec des onomatopées, répondent d'un smiley à un énoncé ontologique , abandonnent orthographe et syntaxe, et communiquent sans se soucier de la personne avec qui ils "communiquent", ni même s'inquièter de s'adresser à une quelconque personne car le message est ici devenu sa propre et seule finalité.
  Mais nierais-je que dans son infinie bontè le Dieu Internet fournisse une masse d'information supérieure à tout ce que peuvent contenir encyclopédies, dictionnaires et tous les volumes de la Library of Congress? Oh non ! Le Dieu dispense, gratuitement et accessible d'un simple click, et par milliards de lettres et syllabes parfois aléatoirement assemblées, un jet continu d' information , dont l'abondance égale l'indifférenciation, l'absence de tout contexte et de toute hiérarchie, où le faux égale le vrai tandis que l'approximatif se taille la part du lion, information agrémentée de liens qui incitent le lecteur à sautiller de sujet en sujet, de bribes de faits en ombre de connaissance pour enfin s'engloutir en des débris de savoir.
   Mais nierais-je encore que dans son infinie bienveillance le Dieu Internet a créé et offert aux hommes le plus merveilleux espace de liberté qui ait jamais existé ? Comme est grand l'aveuglement des dévôts qui refusent de voir que cet espace est, de tous les espaces où peuvent se mouvoir les hommes et ce que produisent leurs esprits, le plus surveillé, le plus réglementé, le plus domestiqué—le plus livré aux multiples espionnages des agences policières de trop réels Big  Brothers !
   Quant aux hommes et aux femmes qui croient pouvoir braver les lois scélérates annihilant la liberté d'expression ou la liberté des échanges en se cachant sous un pseudonyme ou l'anonymat, refusent-ils eux aussi de voir que les barons d'internet, qui ont consenti à la délation dans l'espoir de conserver l' optimisation fiscale, s'empressent de livrer aux argousins les identités que leurs machines font semblant de dissimuler ?
  Le samizdat a abattu la tyrannie communiste – avec de l'encre et du papier. Et des phrases élégantes.

PS. Le fait que ce billet soit publié sur internet ne m'a pas échappé.

5 commentaires:

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  2. Un ami, qui est un excellent écrivain, auteur de nombreux ouvrages dont la langue est belle et le fond toujours intelligent, m'a écrit, en correspondance privée, ceci, rédigé en facebouque ou tuittère :

    Lan nui avk le net c kon nora plu de C vigné
    é kavek lordi et son klavié on nora plu lé mane uski dé flober.
    Je vou zenvoi un peu + ke mé santiman 10 tingué. En nami tié.


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  4. Pourquoi écrire sous un pseudonyme, un parce que cela me plait et deux cela m'évite d'être importuné par des gêneurs comme je le fus une fois en écrivant sous véritable patronyme maintenant que l'Etat soit informé, je serais curieux de savoir ce que l'hydre étatique ne connait pas de nous.

    Pour les formules de politesses, je n'an ai jamais écrit à mes proches et pour les courriers officiels, je me suis toujours emmêler les pinceaux car selon sic'est un home ou une femme , cela devient différents, je n'évoque même la situation sociale, là on tombe dans la névrose.

    Pour le tutoiement , je ne l'utilise guère sauf quand la personne me prend la tête, là comme dirait nos jeunes, je ne le calcule même plus.

    Pour la syntaxe et l'orthographe, je n'ai jamais été une épée, je compte donc sur la compréhension de mon interlocuteur.

    Bien à vous.

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  5. "Le samizdat a abattu la tyrannie communiste – avec de l'encre et du papier. Et des phrases élégantes."

    A chaque époque ses moyens du moment.

    A Athènes (de la grande époque), on débattait sur l'Agora...
    A Rome, au Sénat...
    Carthago delenda est

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