david in winter

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Editeur. Ecrivain. Dilettante

lundi 30 décembre 2013

Amour et socialisme



    "Les polygynes en pivotat comme en alternat comportent autant d'affections qu'en indique leur degré, ainsi un digyne ne peut pas soutenir plus de 2 pivotales, un pentagyne ne peut pas soutenir plus de 5 pivotales, comme dans ses alternats il ne peut guère aimer plus de 5 femmes à la fois; l'omnigyne pourra, outre ses assortiments d'alternat, estimés à 7 maîtresses polygames, aimer encore 7 pivotales plus une en titre sur-unitaire ou surpivotale."
     Une fois posés ces principes, contemplons-en les premiers effets, que nous trouvons dans  le chapitre intitulé : " Echelle et mécanisme des quadrilles polygames puissanciels"  :
    "Les Fées qui sont à l'affût de toutes les sympathies (...) ne manqueront pas de réunir en cour d'amour les 10 personnages qui déjà se connaissent , puis après une séance et un souper, il arrivera que les 4 amants de Cloris prendront une inclination pour les 4 amantes de Télamon, savoir les 2 amantes monogynes de Télamon pour les 2 pivotaux de Cloris et les 2 amants monogynes de Cloris pour les 2 pivotales de Télamon et qu'en même temps Cloris et Télamon , entraînés par l'impression générale, se passionneront l'un pour l'autre. Il y aura infidélité générale et consentie de toutes parts, car on n'est pas jaloux dans ces liens polygames de l'harmonie; ils ont pour but d'en venir au quadrille régulier où l'on alterne en combinaison générale."
       Ce programme pour la réalisation d'amours et accouplements de groupe, doctement exposé en termes philosophiques nuancés d'esprit géométrique, se trouve au centre du Nouveau monde amoureux que Charles Fourier (1772-1837) écrivit vers 1819, et n'acheva pas; ses disciples, qui craignaient que cette apologie d'une extrême liberté sexuelle, allant jusqu'à refuser toute prohibition de l'inceste, n'offusquât de prudents phalanstériens, en occultérent l'existence, et c'est seulement en 1967 que son texte intégral fut publié par Mme Simone Debout-Oleszkiewicz, qui l'agrémenta d'une préface fort longue et d'une lecture aride.
   J'éprouve, envers Charles Fourier, le même attrait que je ressens pour Jean-Pierre Brisset  (que Jules Romains fit couronner Prince des Philosophes) et  tous ces fous littéraires qui écrivirent des milliers de pages pour prouver, avec une impeccable logique, des théories reposant sur des prémisses proprement délirantes. Fourier se distingue de ses confréres en fabrication de syllogismes hallucinés par le succès que rencontra son socialisme géométrique, les communautés qui en naquirent, je les considère avec une sincère sympathie, car l'on ne peut qu'aimer nos semblables qui sacrifient leur existence à réaliser l'impossible en oubliant toute réalité ( et, dans leur cas, sans nuire à autrui), nous regrettons que ces communautés échouérent avant de parvenir à cette harmonie universelle promise par le Maître, qui précisa qu'on en connaîtrait la perfection par la pousse d'une queue au derrière des humains.
   Un aveu maintenant : je n'ai pas réellement lu les 496 pages du Nouveau monde amoureux, cela m'eût demandé l' effort que je renacle à accorder à Damascius, Heidegger et autres profonds penseurs et mon humeur primesautière peine à élucider de trop nombreux néologismes recouvrant de trop obscurs énoncés, mais en seulement parcourant, je trouve  cet innocent aveu:
   "J'avais 35 ans lorsqu'un hasard , une scène où je me trouvais acteur me fit reconnaître que j'avais le goût ou manie du saphisme, amour des saphiennes et empressements pour tout ce qui peut les favoriser."
   Comme était aimable le socialisme, avec Charles Fourier!

     *Dans le même ouvrage, Fourier traite l'abominable massacreur Robespierre de "bourreau maniaque" aux "infâmes préceptes"—merci.

samedi 28 décembre 2013

La belle année du Président



  Rhéteur invincible et humoriste délicat, le Président avait reçu de la Nature des dons moins éclatants pour le calcul; on se souvient que, voulant célèbrer le centenaire de la guerre de 1914, il avait posé sur un petit papier: "1914" puis: "+100" , "résultat : 2013", et avait décidé en conséquence de la date des cérémonies, en ce frisquet matin d'hiver, il avait entrepris, afin de faire le bilan de l'année écoulée, d'en déterminer le dernier jour, pour cela, il avait ajouté "365" à "0", obtenu ainsi "362", et  l'assurance que ce 28 décembre terminait cet an 2013 qui fut pour lui... glorieux? admirable ? ou simplement, excellent?
   Sur la première page du registre de ses res gestae, il écrivit:
  *Je suis toujours vivant.
   Certes, c'était là un faible exploit, en raison des progrès de la pharmacopée et du remplacement d'organes fâcheusement périssables par des substituts en inaltérable matériau, mais le distinguait du commun d'avoir survécu à un attentat, commis par un membre de l'ordre mendiant des théatreux qui, mécontent de la modicité des aumônes reçues, avait , en roulant à un pas de sénateur se rendant en séance, effleuré du parechoc de son véhicule la grille du parc présidentiel.
   A la seconde ligne, il mit:
  *Je suis toujours Président.
   Il posa son stylo, se renversa en arrière , yeux fermés pour mieux savourer cette pensée, oui, il était toujours Président, et il l'était pleinement – son salaire n'avait pas diminué, ses demeures, dont nul (pas même l'accorte Leonarda)  n'avait songé à le déloger pour le faire camper en un plus modeste habitat, étaient toujours chauffées et peuplées d'une abondante domesticité, ses courtisans, ses commis, ses gens de medias et son Parlement éxécutaient sans broncher ses ordres, tout en en louant l'à-propos et la justice, quant à son train de vie...
   Ah! son train de vie!
   Il continuait, contrairement à toutes les régles imposées à autrui, à faire somptueusement entretenir Concubine numéro 2 par ses sujets, il était allé visiter , avec son avion high cost maintes terres étrangères, que ce fût pour bavarder avec des collègues aux obsèques d'un saint très-sensible, recueillir les applaudissements d'indigènes arc-en-ciel, ou distribuer des faits culuturels, avions Rafale et autres menues monnaies, il avait pu, chaque mois, chaque semaine, chaque jour, dépenser sans compter grâce au miracle toujours renouvelé de l'emprunt-qui-ne-se-rembourse-pas, il s'était même, et surtout, offert, ce qui n'est pas à la portée du premier smicard venu,  le plaisir de la guerre, envoyant l'élite de ses troupes conquérir déserts, jungles et savanes, et même océans et banquises ( comme le lui avaient affirmé ses experts).
    Aussi écrivit-il:
     *Fidéle au dogme des Grands ancêtres, j'ai méprisé l'argent.
      Que s'était-il passé d'autre ? Il chercha... Il avait ouï dire que des manifestants s'étaient opposés à certain projet de nature matrimoniale, ces passéistes avaient été ignorés et ce fut comme s'ils n'avaient jamais existé, dans une province aisément séditieuse naquirent des commencements d'émeute, une distribution de billets fraîchement imprimés ramena le calme,  plus grave, l'hydre raciste avait rugi de toutes ses gueules, mais le glaive de la loi en avait coupé plusieurs têtes ( en en conservant quelques unes pour nourrir de prochains touitts triomphants) et son chef de la police avait fait écarteler un raciste à peau noire, coupable, selon la belle expression de l'argousin, d'être en dehors de la dimension créative ( ce que le nouveau code pénal punit sévèrement, mais justement).
   Le Président commença de ronronner – quelle belle année! – mais une pensée parasite le troubla... et... la Courbe ?
   Il réfléchit. Une courbe, et même la Courbe , n'est autre qu'une ligne, laquelle est formée d'une suite de points. En cette occurrence chaque point représente un chiffre ( ou un nombre, le Président n'avait jamais bien su la différence) qui est le chiffre, ou le nombre, de ces déplaisants individus nommés chômeurs. Pour des raisons mystérieuses, mais où l'on pouvait voir la main de l'islamophobie, de l'homophobie, de l'hydrophobie et autres activités subversives, ce chiffre ( ou  nombre) ne cessait de changer, avec un certain goût pour l'augmentation. Il en résultait que la Courbe tracée selon ces chiffres (ou nombres...) allait vers le haut, et dans un moment d'étourderie, le Président avait dit qu'il la ferait aller vers le bas.
   Cette mauvaise volonté de la Courbe alimentait d'aigres propos d'opposants mais, et le Président considéra froidement la réalité, était-il pour cela moins vivant, moins Président, ou privé de son train de vie ? Et qui n'était pas Président, dépourvu d'argent de poche et médiocrement vivant?
    Il haussa les épaules – l'ithyphallisme de la Courbe n'avait aucune influence sur son être (ni sur ses avoirs), il se promit de ne plus s'en soucier et, puisqu'était terminée une année parfaitement heureuse, il allait consacrer les prochains jours à lire les œuvres complètes de Louis Blanc, Auguste Blanqui et Gracchus Babeuf afin d'y puiser l'inspiration d'actes qui feraient de 2015 (ou 2016?) un temps d'encore plus parfaite prospérité, pour lui.

vendredi 27 décembre 2013

Ô saisons!



 A défaut de trêve de Dieu, c'est à la trêve des confiseurs que l'actualité doit d'avoir pu se mettre en vacance, et seul nous parvient l'écho ténu d'une molle routine – dans ce noir pays où le Président expédia ses troupes humanitaires afin de faire cesser les massacres, ces mêmes  massacres redoublent de violence, nous apprennent les gazettes, tandis qu'une nouvelle augmentation du nombre des chômeurs doit se comprendre par baisse de hausse, inversant ainsi, et fort logiquement, la fameuse courbe dont les pics et les creux hantent les nuits présidentielles.
    Le mérite de ces insignifiances est de ne pas nous détourner de l'essentiel, et de nous permettre, tel l' indiscret diable boîteux de Lesage , de tendre l'oreille aux propos qu'échangent Albertine et le Narrateur, au premier tiers de La prisonnière.
    Tous deux, côte-à-côte et liés par un amour dont la perversité ambiguë infiniment disséquée fait les délices de M. Marcel Proust, du Narrateur, et peut-être moins de la jeune femme, écoutent, d'une chambre qui me semble plus située dans les communs de l'hôtel de Guermantes que dans son corps ducal, les cris de Paris que poussent marchands et artisans ambulants. Entre le rémouleur et le vitrier, d'autres humbles commerçants proposent choux ou carottes, et Albertine s'écrie:
   "--Et dire qu'il faut attendre encore deux mois pour que nous entendions: "Haricots verts et tendres haricots, v'la l'haricot vert."
    Cette phrase peut-elle être comprise par une Albertine d'aujourd'hui qui, se promenant smartphone à l'oreille dans les allées d'un très-concentrationnaire hypermarché, voit dans les rayons abondance de fruits et légumes en un temps que ceux-ci, en nos contrées, ne poussent pas? Cette jeune personne peut-elle seulement imaginer que jadis il y avait une saison pour les haricots verts, et que tant que n'était pas venue cette saison, il fallait, pour en déguster, attendre? Et deviner qu'il y eut des siècles où l'on ne trouvait pas tout, partout, chaque jour de l'année, mais où le menu de nos repas dépendait du rythme et des révolutions de notre terre?
   Certes, il y avait là une inégalité, certains mois étant plus favorisés que d'autres pour la récolte des fruits du sol, mais le progrès des transports et des techniques de conservation la rabota heureusement, les fraises des bois se mangent à Noël entre mangues, kiwis et autres curiosités devenues plus communes que le chou ou le petit pois, et les champignons d'automne font les délices des agapes printanières.
   Ainsi la satisfaction de nos papilles est-elle devenue immédiate, elle ne s'accompagne plus du charme d'un désir qu'émoustillait l'impossibilité de le contenter à l'instant même qu'on l'éprouvait, et qui croissait dans l'attente , je crains que ne s'y soit aussi perdu un délicat plaisir.

mercredi 25 décembre 2013

Noël : une célébration



    Noël, fête chrétienne.
    Pour l'athée réactionnaire, ce qui est célébré à Noël est l'annonce de ce temps de civilisation la plus haute que fut la Chrétienté.
    Cette Chrétienté, il ne la juge pas selon les idées perverses des Lumières, l'exaltation des prétendus droits de l'homme ou les dogmes égalitaires d'aujourd'hui, il s'efforce de la comprendre et la voir telle qu'elle fut, de Charlemagne aux premières années de Louis le Quinzième, en regardant les monuments qu'elle édifia, le paysage qu'elle modela de villages enserrant des églises, et en lisant les écrits des hommes et des femmes qui en furent l'âme, et dont foi et piété imprégnent la conduite, même dans leurs actions les plus profanes.
    Il ne reproche pas aux chrétiens de jadis d'avoir agi selon les mœurs et croyances de leur époque, il sait que ces mœurs et croyances étaient alors universelles, et que en d'autres grandes civilisations, chinoise, indienne, perse, musulmanes..., se trouve également tout ce qui est désormais objet d'opprobre.
   Et quand il ouvre le Manuel de l'Inquisiteur de Bernard Gui, bassement calomnié dans le roman de gare de M. Ecco Le nom de la rose et le film qui en fut tiré, il y lit des règles de prudence pour ne pas condamner les innocents qui manquent fâcheusement aux actuels codes de procédure pénale.
  Faire l'apologie de la Chrétienté est simplement dire ce qu'elle fut, il en reste assez de pierres et de mots pour en retrouver la réalité, même si elle est, dans les manels d'histoire et les discours dominants, insultée par des condamnations anachroniques, et des préjugés nés de l'igorance et du fanatisme.
   L'athée réactionnaire n'est pas chrétien, et il méprise cette actuelle religion sans fastes ni style et vautrée dans le social, il regarde les cathédrales, admire, et se tait.

  *Ecrit en écoutant le Te Deum (1677) et le Dies Irae (1683) de Jean-Baptiste Lulli.