david in winter

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Editeur. Ecrivain. Dilettante

vendredi 28 mars 2014

Une piquante énigme (pour adultes seulement)



    La lecture de la Correspondance de Marcel Proust, dans la très-érudite édition de M. Philip Kolb, me passionne, fascine et réjouit, non parce que j'y trouverais un éclairage de la Recherche  -- l'œuvre de génie porte en elle toute sa lumière -- , et encore moins pour la stupide croyance qu'il faut connaître l'homme pour comprendre et juger son ouvrage –je suis, moi aussi, Contre Sainte-Beuve – mais (il y a d'autres raisons) pour les mystéres qu'elle recèle.
   Cette Correspondance, ce sont les lettres retrouvées, celles qui sont perdues semblent avoir été extrêmement nombreuses, et nous ne possédons que rarement les réponses des destinataires, si bien que nous voyons se nouer des affaires dont le dénouement nous restera à jamais ignoré, et que nous rencontrons des conclusions d'intrigues dont nous sont cachées les prémisses.
    Citons.
   Au printemps 1909, Marcel Proust écrit à son ami intime Robert de Billy:
   "J'attendais (...) pour pouvoir vous annoncer que le petit instrument était en lieu sûr. Or il m'arrivait enfin mais d'un modèle extrêmement savant, muni de deux bourses d'un prix exorbitant pour la mienne, d'une forêt de poils, etc. Ce réalisme répugnant et dispendieux ne m'a pas semblé faire l'affaire. N'était-ce pas plutôt un plus idéaliste succédané que voulait la veuve de l'homme de Dieu. La forme grossièrement imitée elle saurait mieux l'imaginer elle-même  dans le plaisir offert par un instrument plus élémentaire et meilleur marché qui prétendrait plutôt suppléer, voire à imaginer, qu'à décrire. Bref, j'ai renvoyé cette pièce d'anatomie. Et l'autre, le simple, toujours annoncé, qui me fit envoyer à sa recherche de jeunes cohortes dans des lieux trop bien faits pour elles, je ne l'ai pas encore reçu. Comme il eût été plus expéditif de m'offrir moi-même. "On ne bande pas tous les jours", comme me disait le duc de Castries, mais enfin j'aurais pu changer parfois les tristes vigiles de celle qu'un conte de La Fontaine avait fait sœur de charité, et dont votre poétique, habile aux transpositions nécessitées par les coutumes luthériennes, a fait la veuve d'un pasteur. J'ose espérer enfin que je lui ferai parvenir le "Bonheur des Dames" avant que vous ayez reçu ce poulet."
    Indiscutablement, le "petit instrument" est ce que les Anciens nommaient olisbos et les modernes godemiché, mais qui est la lubrique et ecclésiastique veuve? Aucune indication, hélas, ne nous permet de dévoiler son identité. Et qui sont ces "jeunes cohortes" que Proust (qui en ce temps ne sort jamais de sa chambre) envoie à la recherche d'un objet dont la vente est clandestine, puritanisme bourgeois oblige, et ne se trouve guère que dans les lupanars? Et la proposition de consoler lui-même l'inconnue ne jette-t-elle pas un doute sur une homosexualité, dont Proust s'est toujours défendu avec la plus extrême vigueur ?
     J'attends, et espère, qu'un  proustien aguerri vienne résoudre ces piquantes énigmes.

6 commentaires:

  1. étonnante lettre en effet. On y apprend même que la vente par correspondance existait déjà à cette époque et que l on pouvait ainsi retourner a l'envoyeur livraison non satisfaisante.

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  2. Oui, je crois qu'elle existait, et pas nécessairement pour des objets dont l'achat dans un lieu public serait gênant, mais surtout pour la mode. Le Printemps éditait un catalogue d'une centaine de pages dans les années 1870.

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    1. La vente par correspondance que pratiquait le magasin Au bonheur des dames (vers 1860) est longuement décrite par Zola dans le roman de ce nom.
      Et ici, il ne s'agit pas de vpc, mais d'émissaires...

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    2. Je crois que Zola s'est inspiré du Bon Marché qui si je ne m'abuse fut le premier grand magasin français.
      https://www.youtube.com/watch?v=cWEGZl2094Y

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  3. Si on ne peut même plus se fier à la pédérastie de Proust, maintenant…

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